Les évènements importants sont-ils prévus à l’avance ou n’est-ce que le fruit du hasard ? Il est impossible de le savoir et pourtant un simple élément, un petit changement peut être à l’origine de sa mort.

Math n’avait rien fait de particulier ce jour-là. Mais il est mort écrasé. On pourrait dire, « pas de chance » ou «  il était au mauvais endroit au mauvais moment », mais ce n’est pas si simple. Etait-ce prévu qu’il meurt ce jour là, était-ce écrit ? Retournons deux jours plus tôt.

Math se réveilla, déjeuna et partit travailler comme tous les jours. Il était banquier. En chemin il se plaignit de ses dents. Il avait mal à cause d’une carie. Rien de grave. Il prit rendez-vous chez le dentiste et demanda un jour de repos à son patron pour y aller. Il se maudit simplement de pas s’être plus souvent lavé les dents. Puis manger moins de cochonneries aussi. Quel idiot !

Math détestait aller chez le dentiste, comme tout le monde d’ailleurs. Mais ce n’était pas la mort. Il avait vu pire. Arriva le jour fatidique où il devait se rendre chez le dentiste. Aujourd’hui il ne ressentait pas la même chose que d’habitude. Aujourd’hui il était presque heureux d’aller chez le dentiste car il avait vraiment mal à en crever. Il attendait avec impatience d’y aller, pour que cela soit fini une bonne fois pour toute.

Mais quelques secondes avant de partir, le téléphone sonna. Il hésita à répondre, il n’était pas en retard mais il n’était pas vraiment d’humeur à parler. Et puis il se dit qu’il en aurait juste pour quelques secondes, histoire de savoir qui c’était, il n’attendait vraiment aucun coup de fil. Mais c’était Philippe, son ami d’enfance. Ils s’étaient perdus de vue il y a deux ans et ne s’étaient plus reparlés depuis. Math était si content qu’il ne vit pas le temps passer.  Ils parlèrent de tout et n’importe quoi. Il ne sentait plus la douleur, pris dans la conversation. Après avoir constaté son énorme retard il se pressa de partir de chez lui et claqua la porte de son appartement avec fracas. Il dévala les escaliers si vite qu’il en perdit l’équilibre et entraîné par sa vitesse alla s’écraser contre le mur du couloir. Il était content que personne ne l’ait vu, il aurait été mort de honte. Tout ce temps de perdu l’obligea à prendre un autre bus car il avait loupé l’habituel. Il arriva juste à temps pour celui-ci. Le chauffeur était en train de refermer la porte. Math se issa à l’intérieur. Il était à un cheveu de se faire bloquer par les portes. Ce bus là s’arrêtait trois rues plus tôt que l’autre, et ensuite tournait. Math descendit et en remarquant son retard, encore une fois, se mit à courir.

David et Marie étaient un jeune couple. Ils venaient d’emménager ensemble dans un bel appartement au 3e étage d’un immeuble refait à neuf. Ils étaient heureux d’avoir obtenu leur crédit pour le payer. Ils avaient même offert une énorme boîte de chocolats et de bonbons à leur banquier pour le remercier d’avoir été aussi sympathique. Ils étaient en train de finir la décoration. David avait acheté un énorme pot de fleur à Marie, qu’ils laissaient dans le salon. L’installation des meubles finis, Marie fit un peu de ménage, et posa le pot qui gênait sur la fenêtre. D’ordinaire, faire le ménage n’était pas une activité qu’elle chérissait, elle détestait plutôt çà, comme beaucoup de monde, c’est comme le dentiste finalement. Mais là, ce n’était pas pareil. Elle était ravie, elle aussi décidément, ce jour là de nettoyer son appartement. Cà ne durera pas mais c’était une des premières fois après leur installation. Elle pensait au banquier qui avait été si sympa avec eux. La prochaine fois qu’elle le verrait, elle l’inviterait à manger. Peut-être que s’ils n’étaient pas tombé sur lui, ils n’auraient pas eu leur crédit. Elle était passée à la banque pour l’inviter, le matin même, mais il n’était pas là, pas de chance. On lui avait dit qu’il était en congé pour aller chez le dentiste ou le médecin, elle ne savait plus trop. Tant pis, ce sera pour la prochaine fois. Un petit courant d’air frais la fit revenir à elle. Elle alla chercher un gilet car le vent se levait et la fenêtre était toujours ouverte. Elle pourrait la fermer et rentrer la plante, mais elle préférait laisser aérer encore un peu. Encore cinq minutes.

Mathieu regarda sa montre. Vite, vite, il va être en retard. Il n’était pas mécontent de courir, car avec le petit vent qui se levait, il commençait à avoir un peu froid. Il alla pour traverser la rue quand il vit au dernier moment une voiture arriver à toute vitesse. Il l’a vit se rapprocher de lui et sans s’en rendre compte il fit un bon en arrière et il l’évita de justesse. Il était moins une. Il avait failli se faire renverser. Mourir bêtement en allant chez le dentiste, quelle idiotie. Il traversa doucement et se remit à courir essayant de ne plus penser à ce qui venait de lui arriver. Rien ne l’obligeait à aller si vite à son rendez vous. La plupart du temps on attend encore longtemps chez les dentistes. Oui mais pas le sien. Son dentiste était réglé comme une horloge et tous les clients qui arrivaient en retard étaient fortement réprimandés. Et Mathieu détestait être en retard et être réprimandé. Il faisait toujours le maximum pour être à l’heure. Il n’était plus très loin et le vent qui soufflait de plus en plus fort le poussait dans le dos.

Alors qu’il descendait l’escalier pour la huitième fois, Patrick tomba sur un jeune qu’il n’avait jamais vu. Un nouveau, c’est génial. Il lui dit bonjour et demanda, par curiosité si il venait d’emménager. Nécessairement, au bout de quelques minutes il glissa subtilement dans la conversation qu’il était éditeur et fier de l’être. Le jeune sembla ravi et l’éditeur très flatté. Ce jeune lui révéla qu’il s’appelait David et qu’il venait d’écrire un roman mais il n’avait pas trouvé d’éditeur. Il parlèrent du livre tous les deux un petit moment. Patrick, l’éditeur, invita David à prendre un café pour qu’ils continuent à parler livres et affaires. Il y avait un bistrot juste à côté de l’immeuble.

Mathieu n’était plus loin. Il passa dans la rue où son oncle habitait. C’était un éditeur très sympa qui laissait sa chance aux jeunes. Il passait la plupart de son temps libre à parler avec des inconnus et se ventait d’être un éditeur. Il faisait souvent des allers retours dans les escaliers de son immeuble quand il ne voulait pas sortir. Comme cela il tombait toujours sur des habitants avec qui taper la discute.

David était aux anges. Il n’arrivait pas à réaliser la chance qu’il avait de tomber sur un éditeur dans son immeuble. Quel hasard, c’était le destin. Ils allèrent boire un verre au bistrot d’à côté. Il était fasciné et amusé par cet homme qui n’était qu’un inconnu quelques minutes auparavant et qui n’arrêtait pas de papoter. David lui parla avec passion de son livre et de son amour pour l’écriture, ce qui avait l’air de toucher Patrick. Une fois qu’ils eurent fini de discuter, ils se donnèrent rendez-vous le lendemain pour que David lui amène son roman. Il partit surexcité, et se mit à courir pour rentrer annoncer la bonne nouvelle à sa femme. Tout allait bien pour lui, il avait une belle épouse, un chouette appartement, et maintenant un éditeur, rien ne pourrait le démoraliser aujourd’hui. Il grimpa les escaliers quatre par quatre, trop nerveux pour attendre l’ascenseur.

Math, toujours en train de courir, évita de justesse un homme qui sortait du bar. Alors qu’il se retournait pour s’excuser et voir la tête de l’ivrogne qui ne regardait pas devant lui, il eut la surprise de constater que c’était son oncle Patrick. Il le salua et lui expliqua rapidement qu’il était en retard et qu’ils se verront une autre fois. Son oncle répondit ironiquement qu’il n’avait pas toute la vie devant lui, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver à son âge.

Marie, après avoir mis son gilet, rangea les dernières bricoles. Elle s’approcha de la fenêtre pour ranger le pot de fleur et la fermer. Mais elle entendit David rentrer et se jeta dans ses bras. Il avait un grand sourire. Il lui annonça qu’en montant, il avait rencontré un de leur voisin. Mais pas n’importe qui. Ce voisin était un patron d’édition. David était un jeune écrivain, et le courant était tellement bien passé entre les deux, qu’il venait de trouver un éditeur pour son roman. Quelle chance, avoir un éditeur comme voisin. Rien de meilleur ne pouvait lui arriver. La chance était de son côté. Pour fêter tout çà, ils prévirent d’aller au restaurant le soir. Ils sursautèrent tous les deux. La fenêtre venait de claquer. Un bruit énorme.

Math entendit un bruit au dessus de lui et… plus rien. Le trou noir. Il ne bougea plus. Il a à peine eu le temps de sentir un poids sur sa tête avant de s’écrouler.

Des cris. David et Marie allèrent voir par la fenêtre quel était le fruit de toute cette agitation. Un homme était allongé par terre. Un pot de fleur brisé a proximité de sa tête. Mon dieu. C’était leur pot de fleur qui venait de tomber sur un pauvre passant. Pas n’importe quel passant. C’était leur banquier. Ils avaient eu du mal à le reconnaître car son visage était salement amoché. Et surtout ils n’y croyaient pas.

Alors, est-ce le fruit du hasard ? Est-ce écrit quelque part ? Notre destin est-il programmé dès notre naissance ? Peut-on réellement savoir à l’avance ce qu’il arrivera dans le futur ? De nombreuses questions dont nous ne connaîtrons jamais les réponses. Mais nous pouvons conclure que le moindre évènement, un refus, une rencontre, un choix, peuvent entièrement changer une vie dans le bon comme dans le mauvais sens.